Depuis ses débuts remarqués dans les sphères de l’art et de la mode Tyler Mitchell compose une œuvre visuelle puissante, entre beauté visuelle, utopie et paysages américains, qui redéfinit les codes de la représentation de la condition noire au XXIe siècle.
En livraison à partir du 17 Octobre
Les images de Tyler Mitchell ressemblent à des fenêtres ouvertes sur un rêve — non pas parce qu’elles seraient irréelles, mais parce qu’elles révèlent une réalité rarement montrée. Ses photographies font dialoguer l’insouciance rebelle de Ryan McGinley, l’intimité silencieuse de Wolfgang Tillmans et la profondeur narrative de Gordon Parks. Du cinéma, il retient l’art du cadrage tendu d’Alfred Hitchcock et l’esprit espiègle de Spike Jonze, construisant des scènes qui oscillent entre immobilité et mouvement, entre méditation et surprise. Il en résulte une œuvre qui brouille les frontières entre documentaire et fiction, mettant en scène la vie noire d’une façon à la fois familière et étonnamment nouvelle.
Au cœur de sa démarche se trouve une fascination pour la mémoire et ses objets. L’enfance devient un motif récurrent, non comme une nostalgie figée mais comme un langage de liberté : des cerfs-volants flottent dans ses images, des pneus se transforment en balançoires, des cerceaux tournent dans l’air. Ces accessoires convoquent l’innocence tout en suggérant la résistance, comme si le jeu et le loisir étaient des actes radicaux dans une culture ayant trop souvent contraint les corps noirs. Cette subversion douce rappelle les quilteuses de Gee’s Bend, dont Mitchell reprend l’héritage en utilisant de vastes étoffes comme arrière-plan, donnant à ses portraits une texture presque palpable, à la fois narrative et poétique.
Ses influences s’ancrent également dans les paysages du Sud américain qui ont façonné son imaginaire. Sa vision de la Géorgie n’est ni purement romantique ni purement documentaire : c’est un espace contemplatif où les arbres couverts de mousse et les champs dorés deviennent des métaphores de l’appartenance. À la manière des artistes et écrivains du renouveau sudiste, il traite la nature comme un véritable partenaire, mettant en scène des moments où se mêlent joie et gravité. Le résultat est un monde pastoral où la présence noire devient centrale, une affirmation tranquille et radicale que le loisir, la communauté et l’autonomie méritent d’être représentés avec soin.
Enfin, le travail de Mitchell se caractérise par un refus de dissocier beauté et politique. Qu’il s’agisse de ses séries de mode, de ses installations muséales ou de ses projets personnels, la même question traverse son œuvre : qui a le droit d’être vu, et de quelle manière ? En mêlant ses influences venues du cinéma, de l’histoire de l’art et de la mode, il crée des images qui célèbrent la complexité de la vie noire — à la fois joueuse, grave, intérieure et transcendante. Ses photographies invitent le spectateur non seulement à regarder, mais à s’attarder, à ressentir, et à imaginer de nouvelles formes de représentation.
Avec des contributions de :
Anna Wintour (Vogue), Sophie Cavoulacos (MoMA), Brendan Embser (Aperture), Rashid Johnson (artiste), Robin Coste Lewis (poète), Sarah Lewis (Harvard), Drew Sawyer (Whitney Museum), Rachel Tashjian (Washington Post) et Salamishah Tillet (Rutgers / New York Times).