"En province de Liège (Belgique), Lignes de flottaison explore notre relation à l’eau, en particulier au fleuve de la Meuse et ses affluents."
Le corpus, élaboré à partir de documents récoltés (au sein de divers lieux d’archives) et de photographies prises, compose une nébuleuse iconographique éclectique qui esquisse par bribes une dérive historique, topographique et poétique. Le travail interroge les effets du temps sur les lieux, les images, et nos imaginaires.
Lignes de flottaison, texte de Sophie Soukias, 2021
I.
La plupart des habitant(e)s de la grotte qualifiaient encore l’événement d’« accident atmosphérique ». Pourtant, rien ne prouvait que le désastre eût été déclenché par un phénomène météorologique. Les scientifiques (elles étaient au nombre de trois) s’accordaient plutôt à dire que les intempéries meurtrières étaient les symptômes d’une catastrophe d’une ampleur bien plus inquiétante mais dont elles ignoraient tout ou presque.
Le mythe fondateur de la grotte voulait que les survivant(e)s de l’accident atmosphérique (5 femmes, 4 hommes et un bébé de 3 mois) avaient été emporté(e)s jusqu’à la caverne par une rivière débordante dans laquelle iels avaient été propulsé(e)s par la foudre. De cet épisode, iels ne se souvenaient de rien. La décharge d’électricité statique avait brûlé tous leurs souvenirs. Les fourmillements dans leurs membres, les lésions oculaires dont iels souffraient tou(te)s sans exception, et leurs vêtements trempés et en lambeaux, avaient alimenté la piste de l’« accident atmosphérique ». Cet accident allait obséder les générations futures, amputées de l’histoire de leurs ancêtres.