Dans un monde saturé d’images chocs et d’alertes permanentes, Ephemeris d’Olga Cafiero prend un autre chemin. En s’appuyant sur l’imaginaire ancien du Messager boiteux, l’artiste ne cherche pas à impressionner mais à restituer du sens. En sélectionnant des gravures du XVIIIe siècle qui évoquent guerres, inondations ou incendies, elle fait résonner ces récits anciens avec les tensions actuelles, sans les amplifier. Là où l’actualité nous laisse souvent sans voix, son regard ralentit, décante, et ouvre un espace de compréhension à travers l’image.
Son exploration de l’almanach ne s’arrête pas à l’archive : elle en étire les ramifications vers le ciel, la science, le climat. En photographiant des instruments météorologiques dans les laboratoires suisses, elle montre les outils par lesquels nous tentons de prévoir l’imprévisible. Mais ce qu’elle révèle, c’est surtout le décalage entre la rigueur des mesures et l’angoisse qui demeure face à l’avenir. Ce décalage, elle l’habite avec finesse, en associant esthétique et doute, technique et imagination.
À travers chaque série de photographies, un fil se tisse : celui d’un temps superposé, fait de saisons, de croyances anciennes et de gestes oubliés. Des moulages médicaux aux paysages vaudois en noir et blanc, en passant par les animaux symboliques ou les superstitions mises en scène avec une IA, l’artiste redonne une voix à ce qui semblait relégué au folklore. Elle ne reconstitue pas un passé idéalisé : elle compose une mémoire vivante, inquiète, parfois étrange, mais profondément ancrée.
Ce faisant, Olga Cafiero ne répond pas aux injonctions de vitesse ou de spectacularité. Elle avance à son rythme, comme le Messager boiteux lui-même — lentement, mais avec constance. Son travail ne cherche pas à convaincre, mais à faire sentir, à inviter à une attention nouvelle. En cela, il offre une alternative rare : voir sans être sidéré, penser sans être envahi, imaginer sans fuir. Un projet d’une grande actualité, justement parce qu’il ne crie pas.