Rivers by Eden levi am & Gorge
"La nature n’est pas extérieure à nous, elle est en nous. Nos corps, comme les écosystèmes, sont des terrains de lutte, traversés par la politique, le désir et la résistance."
— Banu Subramaniam, “Ghost Stories for Darwin”
« Rivers » est un projet conçu par l’artiste, photographe et activiste queer Eden Levi Am pendant la pandémie — une période marquée par l’isolement, l’incertitude et une angoisse collective. Travaillant principalement avec la pellicule, la photographie, la vidéo, et plus récemment la performance, la pratique artistique d’Eden Levi Am propose un regard profondément personnel et sensible sur le monde, intimement lié aux enjeux sociaux et politiques contemporains.
Adoptant une approche féministe intersectionnelle, Eden explore les thématiques du corps, du genre, de l’identité et de leur représentation. Rivers, leur dernière série, poursuit cette exploration avec une force douce mais affirmée. En invitant des ami·es et des connaissances issu·es de la communauté queer genevoise à être photographié·es dans les rivières environnantes, l’artiste a créé un espace de refuge et de libération au cœur des contraintes de la vie pandémique.
"Rivers est un contre-récit. Une narration à contre-courant d’une esthétique blanche et hétéronormative. Une volonté de choquer les paysages mortifères – en proposer une histoire plus révolutionnaire, plus complexe. Un lieu pour repenser les apparences qui limitent au corps. eden propose à celle·ux qui se baignent de peupler les rivières, se délester dans l’eau douce, être fièr·e de ce à quoi i·els appartiennent. » — Gorge.
À ce moment précis — où l’existence quotidienne était profondément façonnée par la peur, la saturation médiatique et les normes d’une société blanche et hétéronormée — la rivière s’est révélée comme un sanctuaire. Ces eaux ont accueilli les corps queer, souvent marginalisés par la société, en leur offrant un espace de liberté plutôt que d’exposition. À travers l’objectif d’Eden, la nudité et la transgression des normes sociales ne traduisent pas une fragilité, mais deviennent des gestes d’émancipation et de puissance.
Les photographies en noir et blanc qui en résultent dégagent une qualité intemporelle, presque suspendue. Elles mettent en valeur la texture de la peau au contact de l’eau et de la lumière douce, évoquant à la fois l’intimité et la résilience. Inspiré par les mythologies fluviales — comme celle des naïades — Rivers construit un contre-récit aussi délicat que déterminé face aux représentations dominantes du corps.
En mêlant activisme bioféministe et sensibilité naturaliste, Eden Levi Am fait écho à la fluidité de la rivière pour mieux évoquer celle de l’identité. Ainsi, Rivers devient à la fois un refuge et une déclaration : un lieu où la queerness n’est pas seulement visible, mais accueillie, célébrée et libérée.